L’avis du compte de taxes municipales n’est pas passé comme une lettre à la poste cette année. La Ville de Mont-Royal a décidé d’imposer un taux de taxation plus élevé aux immeubles comptant six logements ou plus, en 2023. Bref, la pilule passe mal pour certains riverains.
Un « nouveau modèle de taxation »
L’administration Malouf a été mitraillée de questions par des citoyens lors de la séance du conseil municipal du mois de février. Le sujet au cœur des discussions? Le « nouveau modèle de taxation », adopté en 2023, et qui impose notamment des taxes foncières plus élevées aux bâtiments résidentiels de six logements ou plus, comparativement aux immeubles de moins grande taille.
« Ce modèle de taxation est bien dans la loi et il est utilisé par de nombreuses autres municipalités », a justifié le maire Peter Malouf en début de séance, sans toutefois révéler le montant de cette hausse de taxes foncières.
« La décision a été prise en pensant à toute la communauté », a-t-il poursuivi, en mentionnant d’un même souffle que ce sera aux propriétaires d’immeubles de « choisir » qu’elle facture ils veulent refiler à leurs locataires.
Ce que dit la loi
En vertu de la Loi sur la fiscalité municipale, une ville peut utiliser un taux particulier pour les immeubles de six logements ou plus. Ce taux particulier doit être égal ou supérieur au taux de base, mais « ne peut excéder 133,3 % de ce dernier. »
À la lumière de l’intervention de Marc Desjardins, lors de cette séance, Mont-Royal a bel et bien eu recours à ce plafond de taxation. « C’est un choix politique que vous et votre équipe avez fait », a commenté ce propriétaire d’immeubles dans la cité-jardin.
« Même si vous n’aimez pas le mot surtaxe, reconnaissez-vous au moins qu’il s’agit là d’une taxe supérieure, d’où vous tirez des revenus supplémentaires, même si elle résulte en une super injustice – au détriment de citoyens généralement moins bien nantis? », a-t-il également soulevé.
Jusqu’à 60 % de hausse de taxes
« Savez-vous comment c’est drastique une surtaxe de 33,3 %? », a pour sa part demandé une autre propriétaire d’immeubles à travers une question rhétorique. « Surtout suite au nouveau rôle d’évaluation, ça fait une hausse de taxes de 32, de 47 et même de 60 % sur certains des immeubles! », s’est exclamée Mireille Desjardins.
« Et même si vous dites que c’est au choix des propriétaires de transférer ces montants aux locataires, c’est faux », a-t-elle affirmé au maire, en arguant que, quoiqu’il arrive, selon les critères de fixation de loyer du Tribunal administratif du logement (TAL), « c’est tout le monde qui doit payer sa juste part de taxes municipales. »
Vérification faite, le Tribunal établit en effet « l’augmentation du loyer, en tenant compte de la variation des taxes municipales et scolaires, des assurances, des améliorations majeures, ainsi que de l’ensemble des coûts d’exploitation de l’immeuble », peut-on lire sur le site web du TAL.
Pour Mme Desjardins, l’administration Malouf a établi « un système de taxation à deux vitesses. » Ce sont « vos citoyens les moins nantis qui vont maintenant payer le plus de taxes. C’est inadmissible! », s’est-elle indignée.
Le cas d’une locataire qui écope
Une locataire de l’avenue Brittany a expliqué au micro comment ce nouveau taux de taxation se répercute sur elle, en laissant savoir que plus du tiers de son augmentation de loyer cette année, soit 35,69 %, est pour la taxe foncière, seulement.
Cette hausse de taxes est « plus que disproportionnée » et elle est « à la charge des locataires », a-t-elle signalé.
- « Y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire - maintenant! - pour aider les locataires, parce que nous ne pouvons pas nous le permettre et attendre jusqu’à l’année prochaine que vous réexaminiez la situation? », a-t-elle demandé.
Peter Malouf a alors abondamment pointé du doigt les difficiles conditions économiques actuelles. Puis a laissé entendre qu’après avoir jonglé avec les chiffres pour balancer le budget et continuer d’offrir des services de qualité aux citoyens, cette hausse de taxes aux bâtiments de six logements ou plus « était l’un de nos derniers recours. »
« Le budget est établi et mis en place cette année, il n'y a rien que nous puissions faire », a-t-il tranché.
Les aînés vont y goûter
Pour Jocelyne Koss, une bénévole donnant notamment de son temps à la Popote roulante de Ville Mont-Royal – et qui, de son propre aveu, connaît assez bien les aînés pour pouvoir en parler –, cette hausse de taxes est préoccupante pour certains locataires aînés vivant dans des bâtiments denses.
« Une fois, on est allé chez quelqu’un qui a dit: la porte est ouverte parce qu’il fait plus chaud dans le corridor que dans mon appartement. Je n’ai pas les moyens de chauffer plus fort », a-t-elle raconté pour illustrer la précarité de certaines personnes âgées.