PHOTOS LE JOURNAL STATION MONT-ROYAL
Le chas de l’aiguille n’a plus de secret pour elles. Le groupe d’artisanes retraitées, Creative Needlecraft, né dans un presbytère d’église il y a de cela au moins 40 ans, fait aujourd’hui partie du programme des loisirs de la Ville de Mont-Royal, depuis des années. Même qu’il est plus soudé et vivant que jamais ! Une passion qui traverse le temps.
Joan Climo a 85 ans et habite Mont-Royal depuis 56 ans. Avant d’avoir ses enfants, cette géologue de formation a travaillé pendant six ans à la Commission géologique du Canada (CGC), la plus ancienne organisation scientifique du pays. Or, lorsqu’on l’a jointe au téléphone cet été, ce n’était pas forcément pour parler de cela. Mais bien pour faire appel à sa mémoire.
Il se trouve que Mme Climo est la plus âgée et la plus ancienne membre (toujours en vie) de toutes. Le groupe, qui opère aussi sous le nom de Créations artisanales à l’aiguille se réunit tous les lundis après-midi, depuis des années, au Centre des Loisirs de Ville Mont-Royal.
Mme Climo raconte que ce groupe a émergé d’une rencontre hebdomadaire, il y a de cela « au moins 40 ans », dit-elle. Au départ, « nous étions seulement six personnes, qui louaient un local dans un presbytère d’église, pour environ 15 dollars par mois chacune. »
Par la suite, « mon voisin D’Arcy F. Quinn est arrivé avec l’idée que l’on devrait avoir une place au programme du Centre des loisirs. Il s’est donc organisé pour nous trouver un local. C’était à l’étage, où il y avait a nursery school le matin; et nous, les lundis après-midi », explique-t-elle, sans toutefois pouvoir préciser l’époque. D’Arcy F. Quinn a été conseiller municipal de la Ville de Mont-Royal pendant deux mandats, de 1971 à 1973, ainsi que de 1979 à 1984.
Une chose est claire cependant. « Au début, il y a des professeurs qui venaient donner différents cours (de tricot, de courtepointe et autres), et nous payions des frais pour ces ateliers, et ça nous coûtait tellement cher ! », évoque-t-elle. « On a fait cela pendant environ trois ans, et après je me suis dit: C’est fou de payer des spécialistes, quand nous en sommes déjà nous-mêmes; on savait ce que l’on faisait. Donc on a décidé que le groupe, de huit personnes à ce moment-là, n’aurait plus de frais à payer. »
Selon Jan Lauer, régisseuse adjointe des loisirs pour le volet Aînés au Service des loisirs de Mont-Royal, le groupe Creative Needlecraft aurait d’abord fait partie du programme du Town Adult Centre, « une organisation anglaise privée pour les 50 ans et plus », avant de faire partie des activités du Centre des loisirs. Aujourd’hui, il en coûte aujourd’hui 40 $ par année pour s’inscrire à l’activité, qui se déroule de septembre à juin.
« Dans une autre vie »
Au mois d’août dernier, un échantillon du groupe (six personnes sur 35), s’est rassemblé dans un local du Centre des Loisirs de la ville pour une entrevue avec le Journal Station Mont-Royal. À tour de rôle, chacune d’elle a bien voulu raconter son cheminement professionnel, à l’époque. Doreen Trent, avec ses 30 années au compteur, est la plus ancienne membre du groupe après Joan Climo. Originaire du comté de Kent en Angleterre, elle a été d’abord infirmière pour ensuite, à son arrivée en 1960, devenir agente à l’entreprise de courtage immobilier Frank Norman, alors bien connue à Ville Mont-Royal.
What? Tu es seulement arrivée en 1960 !? Je ne savais pas ça !, s’exclame alors Kathy Elie, en réaction à son histoire. Avec, parfois beaucoup d’étonnement, les artisanes apprendront également ce jour-là, que Kathy Elie avait été professeure en première année du primaire; que Suzie Batrie était physiothérapeute « dans une autre vie »; Nicole Moquin, psychoéducatrice, Ann Del Bianco, diététiste et que Marion Landry rentrait des données chez IBM.
L’oeuvre d’une vie
Chacune des membres présentes ce jour-là avait apporté une création unique. Sur la table, châle, foulard, bonnet, couverture et courtepointe faits main notamment, incarnent la passion, bien palpable parmi ce groupe, il faut le dire. Mais de toutes les pièces artisanales, c’est celle de Marion Landry qui faisait le plus jaser.
« C’est un patron que j’ai acheté à Montréal. Il s’appelle Bouquet, réalisé par Micaud », laisse savoir Mme Landry en parlant du canevas de sa tapisserie à l’aiguille. « C’est en fait une technique de petits points. Je l’ai commencée en 1972 et j’ai pris 48 ans à la faire ! », explique-t-elle.
En parallèle à son loisir, Marion Landry est la meilleure marathonienne au Canada dans sa catégorie. Elle allait avoir 75 ans au lendemain de notre entrevue.
En fouillant dans l’Encyclopédie des ouvrages des dames, publiée en 1886, par Thérèse de Dillmont, on dit que la technique de travail de Mme Landry remonte à la plus haute antiquité. Et qu’ « elle a été, de tout temps, une des occupations favorites des dames », peut-on lire, le sourire en coin, dans l’ouvrage.
Y a-t-il un homme dans la salle?
« Oui, nous en avons eu un », répond Doreen. « Brian, il était caissier en chef chez Ikea. Nous lui avons appris comment tricoter. Il est devenu un expert, et faisait même des teddy bears! Malheureusement, il est mort d’un cancer du pancréas. »
Au fait, « le groupe, c’est comme une thérapie », commentera par la suite, Kathy. « Si l’on sait que quelqu’un a le cancer, nous ne parlerons pas nécessairement de ça, mais nous pouvons être d’autant plus utiles. Ici, c’est positif, insiste-t-elle. Après l’activité, tu te sens mieux. » « Oui, il y a beaucoup d’entraide ! », ajoutera à son tour, Nicole.
Même son de cloche chez la doyenne, Joan Climo. « Nous n’avons jamais été aussi nombreuses que ces trois ou quatre dernières années, et c’est vraiment un groupe qui s’entend bien !», avait-elle confié au téléphone. « Nous organisons aussi un party de Noël, une rencontre au printemps et un pique-nique durant l’été, histoire de se voir et de garder contact. Nous sommes vraiment soudées ! »
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