La Ville de Mont-Royal regorge de personnes qui ont des trajectoires de vie hors de l’ordinaire. Vous les croisez dans la rue, ils sont vos concitoyens, vos voisins, peut-être vos amis.
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L’une est critique gastronomique; l’autre, chroniqueur vin, et forment depuis cinq ans un couple particulièrement complémentaire. Alors que le Québec connait son véritable âge d’or en vin et cuisine, le duo, Lesley Chesterman et Jean Aubry, parlent de leur métier respectif et de ce qui a changé depuis qu’ils partagent ensemble les bonnes tables.
Ville Mont-Royal, fin février. C’est vendredi et l’heure de l’apéro à la maison d’enfance de Lesley Chesterman, une charmante demeure datant des années 20 que ses parents ont achetée pour 33 000 $ en 1967 et où elle vit désormais avec ses deux fils et son complice de tous les jours, Jean Aubry. Pendant que la chatte Alice varnousse d’un coin à l’autre, Jean décide de faire honneur à son travail et de partager avec nous un Riesling 2014 du domaine Ostertag: « c’est bio! », ponctue-t-il, avant de porter un toast à la « santé, au vin, à la bonne chère et à ceux qui en profitent! »
L’accord parfait
Chef pâtissière, diplômée de l’ITHQ en pâtisserie-boulangerie, mais aussi en chocolaterie, confiserie et glace, Lesley Chesterman est critique de restaurants au journal The Gazette depuis près de 20 ans, ainsi que chroniqueuse à CHOM-FM et à la radio de Radio-Canada. Jean Aubry, lui, est expert dégustateur, formé en oenologie à Bordeaux, et chroniqueur vin depuis 1993 au journal Le Devoir, ainsi qu’auteur du guide annuel des 100 meilleurs vins à moins de 25$, dont la 12e édition est parue en 2016.
Mais Jean, c’est aussi « un gars de Québec, né dans un grand millésime », ou « vraiment le gars de Québec, séparatiste », reprend Lesley, comparé à elle « l’anglophone de Montréal, fédéraliste. » Dit autrement, « on est les deux solitudes réunies dans l’assiette et dans le verre », formule-t-il. « Il est vin et moi je suis bouffe » ; « elle, c’est le manger, moi c’est la boisson », s’amusent ceux qui se sont rencontrés il y a cinq ans, alors qu’ils faisaient partie du jury d’un concours où des chefs québécois devaient faire des accords avec un vin Sauternes.
Depuis ce jour, les deux foodies travaillent de pair. Lesley va au restaurant avec Jean, elle lui demande des commentaires sur la carte des vins, etc…, tandis que Jean, pour sa part, vit un changement majeur dans son approche. « Il n’est plus question que je ne parle que de vin simplement, dit-il, le vin n’est plus seulement que du vin, il est accompagné. Mais il faut dire que les professionnels du vin s’isolent beaucoup. » « Mais qui boit du vin sans manger ?; le vin est supposé être à table! », interrompt Lesley, qui explique ensuite qu’il y a une grande concurrence entre les chroniqueurs vin et ceux dédiés à la gastronomie. « On pense que l’on est les meilleurs », dit-elle. « Oui, c’est deux mondes qui vivent en parallèle », renchérit Jean, « mais moi, j’ai terminé ce monde-là, je fusionne avec la table. Je parle de la culture du vin, de la culture locale culinaire…J’aime un bon plat et un bon vin et l’un ne va pas sans l’autre. »
Le rôle du critique en 2016?
«Tous les deux, on est là pour guider le public, on n’est pas là pour être aimés par les chefs ou Jean par les vignerons », explique Lesley. « On est là pour rendre service aux lecteurs et aux auditeurs, en leur disant si vous allez manger là-bas, vous allez avoir ça, ça, et ça et si c’est bon ou pas, et pourquoi. » « (…) Mais au départ, il y a une expertise qui est expliquée et puis, c’est ça, prenez-le ou pas, c’est notre point de vue », complète Jean. Le couple pense aussi que leur métier a vraiment sa raison d’être en ce moment, vu « l’âge d’or du vin et de la gastronomie au Québec », comme le souligne Lesley, mais aussi « parce que les gens ont moins d’argent à dépenser et que la vie est chère. Mais au final, on dit aux gens d’aller au restaurant, mais le mieux aussi pour eux, c’est de manger à la maison! »
Chose que les deux complices ne manquent pas de faire. D’ailleurs, ici même, dans la petite salle à dîner où se déroule la discussion, viennent souvent s’attabler amis, chefs et vignerons de passage. Et ils l’avouent sans détour, le couple préfère de loin manger un simple boeuf-carottes à la maison, ou un poulet rôti du dimanche soir, ou encore des pâtes bolognaises (la recette de Lesley) accompagnés d’un Chianti, que de manger au restaurant.
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