La Ville de Mont-Royal vient de se doter d’une première politique en agriculture urbaine. Jardiner est dans l’air du temps. En 2021, près d’un Montréalais sur deux cultive des plantes potagères. Pour Albert Mondor, biologiste et horticulteur monterois, la logique est implacable: l’avenir est aux végétaux et aux fermes urbaines.
PHOTOS STATION MONT-ROYAL
Albert Mondor avait déjà les mains dans la terre à l’âge de 12 ans. Adolescent, il a passé tous ses étés à Saint-Ferdinand, au Centre-du-Québec, chez un oncle et une tante, à travailler dans leur pépinière et à concevoir des aménagements paysagers. Passionné de plantes depuis l’enfance, ce résidant de Ville Mont-Royal depuis 16 ans avoue ne pas s’être questionné à outrance sur ce qu’il allait faire de sa vie…
(STATION MONT-ROYAL) Vous êtes horticulteur de métier depuis 30 ans maintenant, que pensez-vous de la première politique d’agriculture urbaine dans votre communauté?
(ALBERT MONDOR) Premièrement, je dis bravo! Je pense que toute action pour encourager et soutenir l’agriculture urbaine est louable. C’est un geste très fort de faire de l’agriculture urbaine. C’est démontrer que l’on aime la vie, la nature puis que l’on tient à la protéger.
Ça permet aussi d’avoir un impact spectaculaire sur l’environnement. Lorsque l’on consomme des légumes produits localement, ça fait moins de pollution et moins de gaspillage. Selon des chiffres de la FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations – Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), il y a 45% des fruits et des légumes qui ne sont jamais consommés sur cette planète, parce qu’ils sont perdus dans le transport ou dans l’entreposage.
(SMR) Ici ou ailleurs, les initiatives de forêts nourricières se sont multipliées ces dernières années. Québec a d’ailleurs annoncé un soutien financier à 12 projets de développement de communautés nourricières le 1er juin dernier. Croyez-vous que Ville Mont-Royal pourrait aussi avoir une plus grande autonomie alimentaire?
(AM) Oui, absolument. Toute ville peut d’ailleurs devenir une ville nourricière. Il n’y a rien de sorcier là-dedans. C’est très facile d’introduire des végétaux comestibles dans nos parcs, ou toutes sortes de variétés d’arbres et d’arbustes fruitiers, telles que des cultures émergentes comme l’argousier, le sureau, la camérise, ou encore l’amélanchier. Nous avons aussi plusieurs toits à Ville Mont-Royal qui sont inutilisés et qui peuvent être convertis en petites fermes urbaines.
(SMR) En contexte pandémique, où plusieurs édifices ont été désertés, vous avez semé l’idée, dans une lettre d’opinion parue dans Station Mont-Royal en novembre 2020, qu’il serait grand temps de convertir certains bâtiments en fermes urbaines. Vous donnez l’exemple de ce qui a été fait à Newark, au New Jersey, avec la ferme AeroFarms. À quoi ressemble cette ferme?
(AM) C’est une ferme de 6500 mètres carrés; la plus grande ferme urbaine intérieure en Amérique du Nord. Elle est installée dans une ancienne usine d’acier. Il n’y a pas de fenêtres. Tout est éclairé avec des lampes DEL. Puis l’on cultive sur plusieurs étages, ce qui fait que l’on produit vraiment beaucoup plus de nourriture que si l’on était en pleine terre au sol.
(SMR) C’est connu, avec la montée du commerce en ligne, les centres d’achats ont perdu de leur lustre. Dans cette même lettre citée précédemment, vous mentionnez que le Centre Rockland de Ville Mont-Royal — dont le réaménagement est imminent selon les élus, pourrait parfaitement se prêter à un projet de ferme urbaine. Voulez-vous nous parler de votre concept?
(AM) En fait, il y a deux grands projets actuellement à Ville Mont-Royal, où l’on pourrait créer des fermes urbaines absolument extraordinaires, et c’est au Royalmount et au Centre Rockland. (Note: Royalmount planche ces jours-ci sur un projet de ferme urbaine sur son site, on en parle en page 19).
Pour le Centre Rockland, c’est énorme tout le potentiel qu’a cette bâtisse-là. Imaginez au centre du bâtiment un super atrium, avec un magnifique jardin. Dans un autre local, une immense ferme urbaine, qui produit de la bouffe, qui, elle, est vendue à l’épicerie d’à côté. Puis sur les toits, on fait de l’agriculture urbaine. Il peut y avoir quelques commerces, des habitations, puis ça devient comme une espèce de petit village… Vous savez, moi, comme horticulteur, j’ai toujours pensé que la solution à bien des problèmes était de « renaturaliser » ce qui avait été ravagé et détruit par l’humain.
(SMR) En réaction à ce que vous venez de dire, pourquoi alors n’y a-t-il pas plus de fermes urbaines autour de nous en 2021?
(AM) (Rires…) Je ne rigole pas de la question, je rigole à cause de la réponse: Parce que c’est trop parfait! Ça tombe trop sous le sens. C’est tellement dans notre face que l’on ne le voit plus.
Pourtant, les plantes, c’est la base de la vie. En plus, il n’y a rien de plus simple que de cultiver une plante, ça pousse tout seul. On n’a qu’à regarder les caps de roches dans la nature, les bouleaux poussent dans la moindre craque, où il y a des feuilles mortes qui sont tombées.
Des plantes, ça pousse n’importe où. À l’intérieur, à l’extérieur, sur les toits, les murs, dans les stationnements, au sous-sol, où vous voulez!
En fait, j’ai même lancé un projet de création de ferme urbaine sur le tablier de l’autoroute métropolitaine. Alors que les voitures pourraient passer sous terre, le tablier deviendrait un grand parc linéaire, avec une ferme et des jardins…
Un tel parc linéaire existe à New York depuis 2009. Il s’agit de la High Line, qui se trouve à être une ancienne voie ferrée désaffectée, où l’on a aménagé un parc urbain suspendu, sur une portion de 2,3 km.
L’horticulteur Albert Mondor est auteur de nombreux ouvrages de référence en matière d’agriculture urbaine. Son dernier livre, Des bestioles et des plantes, paru récemment, explique en détails comment attirer les insectes bénéfiques au jardin et éloigner les ravageurs.
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