PHOTOS LE JOURNAL STATION MONT-ROYAL
L’atelier de menuiserie et d’ébénisterie Nouveaux Horizons sur l’avenue Dunbar, autrefois situé dans le chalet du parc Mohawk, rassemble une poignée de retraités tous aussi passionnés les uns que les autres. Y mettre les pieds, c’est découvrir un monde incomparable de talents cachés.
Ils sont 22 membres, dont quatre femmes, à fréquenter chacun selon leur plage horaire l’atelier Nouveaux Horizons. La plupart sont Monterois, d’autres Outremontais, mais tous sont retraités de 55 ans et plus. C’est un critère pour adhérer à la bande. Il faut savoir que l’organisme à but non lucratif, dont l’année de conception remonte à 1975, tire son nom et son fond de commerce d’un programme fédéral de subventions dénommé Nouveaux Horizons pour les aînés (PNHA). L’instigateur du projet, Fred Henwood, avait 80 ans lors de l’ouverture officielle du workshop situé alors dans le chalet du parc Mohawk le 14 avril 1976. The Montreal Star, un quotidien de l’époque, lui avait dédié tout un portrait.
Son histoire est celle d’un homme né en Angleterre, qui, après avoir servi les Forces armées de 1914 à 1919, a vécu 46 ans en Jamaïque en exploitant une compagnie du nom de Henwood’s Engineering Works, avant d’arriver au Canada en 1970. Le père de Nouveaux Horizons était bourré de talents, raconte-t-on. Dessinateur, peintre, amateur de photographie (il développait ses photos dans une chambre noire du Centre des Loisirs), il est aussi l’inventeur d’un métier à tisser portatif de 27 pouces de haut ayant été breveté.
Alors qu’il fabriquait des chaises jamaïcaines à l’atelier pendant l’entrevue avec le journaliste du Montreal Star, il avait dit: « it is not what we will be making that is most important. It is the intense satisfaction of knowing we are productive. I’m a different person working with my hands and most of our members feel the same way. »
42 ans plus tard…
Et un déménagement sur l’avenue Dunbar, en 2002, la philosophie de M. Henwood est toujours présente. « On a besoin d’être encore actifs. Et l’atelier nous permet de développer une créativité nouvelle une fois à la retraite », commente le nouveau président de l’organisme depuis deux mois, Yves Gougeon, qui a entre autres été directeur d’Investissement Québec à Paris au cours de sa carriè.re
M. Gougeon, âgé de 72 ans, est membre du groupe depuis trois ans. Et comme plusieurs autres ici, il n’avait jamais travaillé le bois auparavant. Mais à voir ses planches à découper aujourd’hui, force est de constater qu’il avait certainement un talent qui dormait.
Même chose chez Gaston Cousineau, 86 ans, dit « le grand spécialiste des jouets ». Formé au HEC, il a passé sa vie « dans les chiffres puis les cahiers », et donc assez loin de toute forme de raboteuse, sableuse, scie sauteuse et autres outils pour bricoler dont l’atelier déborde.
« Ceux-là, je les ai faits modernes », dit-il au sujet des animaux sur roulettes de son cirque en bois. « J’étais allé à l’exposition de l’artiste Chagall [ au Musée des beaux-arts depuis janvier ] puis ça m’a inspiré cela », souligne-t-il avant de montrer son cheval à bascule et son dernier projet, une mini table faite spécialement pour sa petite fille.
« Puis voici Paul Mercier, notre banquier! », s’exclame M. Gougeon en guise d’introduction, en pointant son modèle de tirelire en forme de chat. « Oui, ça se vend bien, ça! », rétorque ce chirurgien de 81 ans à la retraite, un fidèle des lieux depuis une bonne douzaine d’années.
La vente dont il parle fait référence aux confections qu’écoule le groupe chaque année, depuis 1982, à la foire artisanale de Mont-Royal. L’organisme renfloue également ses coffres avec la cotisation des membres de 100$ par année.
« Mais oui, j’ai été habitué à travailler avec mes mains, et je ne suis donc pas si malhabile », blague M. Mercier. « Mais j’ai appris sur le tas! Ils m’ont tout montré ici; c’est vraiment une école continuelle où on n’arrête pas d’apprendre. »
En effet, il n’y a pas de cours ni de professeurs ici, « il y a des gens plus habiles que d’autres, et leurs compétences sont mises au profit des autres », précise M. Gougeon, soulignant que l’entraide est vraiment une caractéristique inhérente de la place.
Passionnés mais aussi récupérateurs
Romano, Janet, Lea, Aaron, Duncan et William sont aussi présents à l’atelier en ce lundi matin. Les conversations fusent autour de la table de la cuisinette lors de la pause-café. Il faut dire que de nombreux souvenirs ont refait surface avec la sortie des archives de Nouveaux Horizons un peu plus tôt.
Des albums de famille notamment, dans lesquels on pouvait voir de nombreuses fêtes immortalisées, mais aussi des photos de bancs de neige! Leur local étant situé juste à côté de la décharge municipale, où, incidemment, on trouverait de la neige jusqu’en juin, s’amuse-t-on à dire.
Mais entre deux boutades, il y a un sujet qui est assez prenant. Celui de la difficulté à se procurer du bois pour travailler. Et cela ne date pas d’hier. Par le passé, l’organisme a entre autres récupérer du bois de l’ancienne cour municipale lorsqu’elle a été démolie, ainsi que des bancs en chêne d’une église, se rappelle-t-on.
Par conséquent, « si les gens ont de bons morceaux de bois dur dont ils veulent se défaire, même s’ils ont de la peinture dessus ou du vernis », le groupe est preneur, laisse savoir le président.
Le programme Nouveaux Horizons pour les aînés (PNHA) en bref
Le PNHA a été créé en 1972 par le ministère de Santé Canada et a ensuite été coupé en 1996. En 2004, Emploi et Développement Social Canada a relancé le programme et a approuvé depuis près de 19 700 projets dans l’ensemble du Canada, pour un investissement total d’environ 417 millions de dollars. Source: Gouvernement du Canada
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